Bois énergie ou biogaz, quel avenir pour nos réseaux ?

L’énergie gaz et l’énergie bois sont souvent en concurrence, notamment lors des réalisations des études de faisabilités de chaufferies bois, où l’énergie bois est toujours comparé à une énergie de référence qui est en général le gaz. Economiquement, les projets bois peuvent concurrencer les chaufferies gaz grâce aux subventions à l’investissement et au prix bas du combustible bois. Pour rappel, le bois est considéré comme une énergie renouvelable et bénéficie de subvention, alors que le gaz est une énergie fossile et n’est pas subventionné. Depuis 2018, les gestionnaires de réseau GRDF et GRTgaz se donnent comme objectif 20% biogaz dans leurs réseaux en 2030 et 100% biogaz en 2050. Alors qu’en est-il, 7 ans après cette annonce ? Ces objectifs sont-ils tenables, si oui à quelles conditions ?

Ces questions sont importantes, car elles conditionnent les décisions d’élus qui doivent faire des choix.

Faut-il construire un réseau de chaleur au bois lorsqu’un réseau de chaleur au gaz existe déjà ? Cette question n’a pas vraiment de sens ! A première vue, cela peut être considéré comme un non-sens économique et une forme de gaspillage mais la question est beaucoup plus complexe qu’il n’y parait.

A quel horizon peut-on imaginer remplacer le gaz par du biogaz ?  L’étude de l’ADEME de 2018 et l’étude 100% biogaz de Solagro pour le compte d’opérateurs gaziers donnent les conditions pour arriver à cet objectif.

Premièrement, il est important de souligner que tous les scénarios nécessitent une forte baisse de la consommation de gaz pour passer de 450 Twh en 2015 à 200-380 Twh en 2050. Sans cette condition, il ne sera pas possible de passer à 100% biogaz. Le biogaz étant beaucoup plus cher que le gaz naturel, ses usages seront réservés à un usage à valeur ajoutée plus importante que le chauffage domestique, à savoir le transport et l’industrie. La baisse de consommation de gaz, en France, a déjà commencé, elle concerne tous les secteurs à part le transport. Cette baisse de consommation de gaz est a plusieurs causes, dont le contexte politique mondial, mais, elle est aussi dû à l’augmentation des réseaux de chaleur au bois. Opposer les deux types de réseau n’a donc pas de sens.

La production de biogaz provient essentiellement de 3 sources. La première est la méthanisation. Cette technologie est mature et aurait un potentiel maximum de production à l’horizon 2050 de 150 Twh1, bien sûr à un prix bien plus élevé que le prix actuel du gaz naturel. Là où cela se complique c’est pour la production du reste du biogaz manquant, soit environ 50%. Il est nécessaire de compléter la production par du biogaz issu de pyrogazéification. Il existe différentes technologies permettant, à partir de pyrogazeification, de transformer le gaz de synthèse (Syngas) en méthane de qualité réseau, mais pour l’instant, il s’agit de technologies non matures et trop cher. Deux autres techniques supplémentaires existent, il s’agit du power-to-gaz, qui permet de faire du méthane à partir d’électricité et la gazeification hydrothermal qui permet de convertir des déchets de chimie organiques ou des boues de stations d’épuration. Ces deux technologies resteront à la marge.

Les quantités d’énergie qui proviendront de pyrogazéification devront donc être très importantes et aujourd’hui, il n’est pas possible de produire cette énergie à des coûts acceptables. De plus, la matière source sera en grande majorité de la biomasse forestière. Il est donc nécessaire de savoir s’il est préférable de dépenser beaucoup d’énergie pour transformer ce bois en gaz afin de le bruler ou s’il est plus simple et moins couteux de le bruler directement sous forme de bois.

Opendata Réseau Energie (ODRÉ) fourni toutes les statistiques concernant l’origine de nos énergies, et montre qu’en 2024, le biogaz, représente 3.5% du gaz consommé en France. Nous sommes encore très loin des 20% biogaz dans les réseaux en 2030 et encore plus des 100% biogaz en 2050. En attendant que cet objectif soit atteint, s’il peut être atteint, devons-nous faire comme si le changement climatique n’existait pas et bruler des énergies fossiles ? Continuer de travailler sur la production de biogaz est important, mais il est surtout essentiel de multiplier les productions d’énergies d’origines renouvelables, d’améliorer l’efficacité de nos systèmes et de devenir plus sobre. C’est à ces seuls conditions que la transition écologique réussira. Il est donc fortement déconseillé d’opposer les énergies renouvelables entre elles, et ne surtout pas vouloir absolument favoriser que le biogaz, car, comme nous venons de le voir, atteindre 100% de biogaz en 2050 reste très incertain. En supposant que cet objectif puisse être atteint, le coût de ce biogaz devrait destiner ce produit à des usages autres que le chauffage. Il est essentiel d’envisager une approche diversifiée et pragmatique des choix énergétiques locaux, qui tienne compte des évolutions technologiques et des besoins à court et long terme.

Sources :

- https://solagro.org/travaux-et-productions/references/un-mix-de-gaz-100-renouvelable-en-france-en-2050

- https://www.ademe.fr/les-futurs-en-transition/les-scenarios/

- https://librairie.ademe.fr/societe-et-politiques-publiques/5443-prospective-transitions-2050-feuilleton-filieres-gaz-et-carburants-liquides.html

- https://solagro.org/travaux-et-productions/publications/quelles-biomasses-pour-la-transition-energetique